PACTE GLOBAL SUR L’EDUCATION DU PAPE FRANÇOIS ET SON IMPACT EN AFRIQUE

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PACTE GLOBAL SUR L’EDUCATION DU PAPE FRANÇOIS ET SON IMPACT EN AFRIQUE

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Par son Message pour le lancement du Pacte éducatif du 12 septembre 2019, le
pape François a convoqué à Rome les représentants du monde entier pour sceller un
engagement commun dont le but est de construire le pacte éducatif global. Cette
initiative n’est pas une idée nouvelle et soudaine, mais la traduction concrète d’une
vision et d’une pensée qu’il a exprimée plusieurs fois dans ses discours. De plus,
cette proposition se situe dans la ligne de son magistère, que nous trouvons
clairement formulé dans l’exhortation apostolique Evangelii gaudium et dans
l’encyclique Laudato si’, qui s’inspirent des orientations du Concile et de l’après-
Concile.


En quoi consiste le pacte éducatif pour notre continent africain ? Quel est son
objectif pour un Africain? L'intention du Saint Père sur le pacte éducatif est
d’interpeller notre conscience sur le sens de l’ouverture et de la collaboration dans le
contexte éducatif entre les différentes cultures pour une cohabitation pacifique. Il
s’agit donc, d’éduquer à la diversité afin de vivre le changement de notre temps avec
responsabilité dans l’unité et la solidarité. Éduquer les nouvelles générations à
l’ouverture et au dialogue pour affronter les défis actuels en renouvelant la passion
d’une éducation plus ouverte et inclusive, capable d’une écoute patiente, d’un
dialogue constructif et d’une compréhension mutuelle. Cela n’est possible qu’en
respectant tout être humain dans ce qu’il est, en cultivant une capacité d’alliance
entre les habitants de la terre afin de construire et d’améliorer nos relations entre les
générations pour une transformation durable de notre existence. Il est évident que
chaque personne soit compétente et capable d’être protagoniste de l’unité
communautaire et fraternelle.

Le Pontife propose une éducation qui rend la personne utile à la communauté ;
on doit éduquer la personne pour un service à la société, en promouvant l’esprit de
dialogue, de l'écoute, de la communication, du respect de la dignité de la personne et
de sa culture en construisant un regard tridimensionnel : vers Dieu, vers les autres et
vers le cosmo.

En effet, le Pape François décrit les principes de la nouvelle éducation : "Dans
ce contexte, les établissements d'enseignement catholique sont appelés à pratiquer la
grammaire du dialogue qui façonne la rencontre et l'appréciation de la diversité
culturelle et religieuse. Le dialogue, en effet, éduque lorsque la personne entre en
relation avec respect, estime, sincérité d'écoute et s'exprime de manière authentique,
sans obscurcir ou atténuer sa propre identité nourrie par l'inspiration évangélique.
Nous sommes encouragés par la conviction que les nouvelles générations, éduquées
de manière chrétienne dans le dialogue, quitteront les salles de classe des écoles et
des universités motivées pour construire des ponts et, par conséquent, pour trouver de
nouvelles réponses aux nombreux défis de notre temps". Donc former et éduquer la
nouvelle génération à dialoguer et à vivre ensemble comme frères. Car vivre la
fraternité universelle est une nécessité, voire une responsabilité pour tous surtout dans
le contexte actuel où la globalisation et le pluralisme culturel sont la marque
indélébile de nos sociétés. Cela ouvre horizons qui facilitent l’ouverture, le dialogue
et rapport entre les cultures. Voilà pourquoi l’éducation à la fraternité universelle et
au pluralisme culturel est comme une urgence pour vivre ensemble et transformer les
sociétés actuelles en Afrique.


Or, nul n’est besoin de rappeler que l’un des freins majeurs au développement
de l’Afrique est certainement la réalité de l’analphabétisme. Dans, Africae munus, le
Pape Benoît XVI affirmait que c’est un fléau égal à celui des pandémies. Le défi est
immense dans ce domaine en Afrique. De fait, on sait qu’au moins 162 millions
d’Africains sont totalement analphabètes. Une telle situation entraine de
conséquences néfastes dans divers secteurs de la vie sociale.

Face à ce défi le combat à mener pour le développement authentique de notre
chère Afrique est double. D’une part, il concerne l’investissement en personnel et en
moyens. D’autre part, le combat à mener concerne la perspective même de nos
systèmes éducatifs. Il ne s’agit donc pas seulement de construire des écoles, il
faudrait encore assurer des systèmes éducatifs qui répondent à la préoccupation du
type d’Homme voulu pour contribuer au développement de notre Afrique. Car,
Alphabétiser l’individu, c’est en faire un membre à part entière de son pays, à la
construction de laquelle il pourra contribuer pour mieux vivre en paix avec les
membres d’autres cultures et confessions religieuses comme le souligne bien le Pape
François. Car, selon l’esprit du Pontife régnant, éduquer c’est intégrer une personne
dans une communauté de vie, de vision, de valeurs, de destin et d’aspirations. Plus
globalement, il s’agit de l’intégrer dans la société des humains avec les droits et les
devoirs. Donc, une intégration au niveau du sens commun, du sens patriotique, du
sens éthique et du sens spirituel.

Les échanges entre populations de cultures différentes ont toujours existé dans
l’histoire de l’humanité : ils correspondent, dans une certaine mesure, à ce qu’il est
convenu d’appeler aujourd’hui interculturalité. Et donc, aucun peuple ne peut
prétendre tout inventer pour sa vie et sa survie. En plus, depuis les temps les plus
reculés de l’humanité, les civilisations se rencontrent, se confrontent, engagent leur
destin et inventent leur avenir dans les conflits ou les dialogues. Les connaissances,
les croyances, les pratiques sociales comme les arts de vivre se développent dans
d’innombrables échanges. Dans ce processus, il faut savoir inculturer ce qui vient
d’ailleurs et qui est nécessaire pour une transformation positive de soi et de sa propre
culture. A ce sujet, le Pape François, exhorte à promouvoir « des valeurs de soin, de
paix, de justice, de bien, de beauté, d’accueil de l’autre et de fraternité » et à être
capables « de faire l’harmonie ».


Dans le contexte de la garantie d'une bonne éducation pour la génération
future, cela démontre la nécessité de promouvoir une éducation équilibrée. Cela peut
se faire dans le cadre de la structure éducative, pour la renforcer et la soutenir.

Néanmoins, il est important d'apporter une meilleure contribution, qui pour sa
réalisation essentielle poursuit un objectif, celui du développement durable et global.
Reconstruire, c'est encourager la société actuelle vers une transformation intégrale qui
a pour but une éducation de qualité, pour la formation et l'avenir de l'individu.
Eduquer selon l’esprit du Pape François, c’est bâtir des personnalités, forger
des tempéraments, construire une structure d’esprit, un socle, des piliers et des leviers
qui permettent aux Africains d’être ensemble, de vivre ensemble, d’agir ensemble et
d’espérer ensemble, à partir des repères qu’ils considèrent comme les fondements et
les principes de leur-être au monde culturel. Il s’agit de former des Africains
intellectuels, éthiques et spirituels pour maîtriser le monde, l’organiser et y vivre.

Il ne faut pas oublier qu'en Afrique, l'évangélisation et l’éducation exigent une
lutte contre la pauvreté, elle exige un engagement à travailler dur pour s'enrichir, mais
pas pour soi, mais plutôt, comme l'a dit à sa manière profonde Monseigneur Jean Zoa,
archevêque de Yaoundé, théologien et pasteur africain, pour participer à la pratique
de la solidarité, comme il est propre à la culture africaine : "La joie du chrétien est
donnée par sa capacité à partager les biens ; mais pour les partager, il doit les
posséder et pour les posséder, il doit s'engager à les produire ; pour les produire, il
doit travailler rationnellement et s'organiser en solidarité avec les autres" . Les jeunes
Africains devront être formés et éduquer pour comprendre que l'exemple du Christ,
qui a travaillé et gagné sa vie à la sueur de son front, est pour eux un modèle qui
stimule le développement de l'ensemble du peuple africain.

Toute l'éducation doit être orientée vers cette intériorisation et, par conséquent,
non seulement elle implique cette maturité propre à la personne humaine, mais elle
doit conduire les baptisés à une conscience toujours plus grande du don de la foi et à
adorer Dieu le Père en esprit et en vérité, pour comprendre enfin que Jésus-Christ est
le centre vivant et vital, le point de référence à chaque instant de leur vie, le modèle
fascinant à imiter.

L'Église africaine devra promouvoir avec détermination une éducation selon
Pape François qui apportera une solution à la forte diffusion d'une culture de la vie
selon les traditions spirituelles africaines. Une éducation capable de promouvoir
l’attention à écouter la voix des enfants et des jeunes : écouter leur frustration, joie,
peine, chômage, blessure en proposant les solutions si pas les alternatives à leurs
problèmes et préoccupations.


Le Saint – Père, dans son Pacte éducatif mondial va jusqu’à plaidoyer pour
favoriser la pleine participation des fillettes et des jeunes filles à l’instruction. Il
n’existe aucun instrument de développement plus efficace que l’éducation des filles.
Mais en Afrique, nous savons tous que du point de vue éducatif, la scolarité des filles
n’est pas toujours pareille à celle des garçons. Ne dit-on pas qu’éduquer une femme
c’est éduquer toute une nation. L’éducation des filles doit être une préoccupation pour
les familles africaines. Car, dans la société africaine traditionnelle, les femmes
étaient considérées comme les gardiennes de la tradition, les éducatrices, les mères, et
surtout jouaient un rôle religieux efficace reconnu par les hommes.
Nous pouvons dire qu’aujourd’hui, la situation des femmes africaines, qui
s'améliore à bien des égards - grâce à l'évangélisation, aux études et à l'autonomie
économique-, s'aggrave à d'autres égards : la dot est devenue une occasion de
commerce pour certaines familles peu scrupuleuses et le phénomène des "bureaux"
est en pleine expansion, c'est-à-dire une sorte de prostitution de haut niveau,
impliquant souvent des femmes instruites, déguisée en lieux de rencontre et en
restaurants. Une sorte de polygamie non institutionnalisée, qui ne respecte pas la
dignité des femmes, pire encore que la polygamie reconnue. Ce sont les femmes
africaines elles-mêmes qui doivent imposer à la société leur droit à être considérées
avec dignité et respect. Les femmes ne peuvent pas attendre la conversion de la
société africaine : la liberté ne se demande pas, elle se prend.
Pour le chrétien africain, la référence au Christ est fondamentale, car le
christianisme, plus qu'une culture, est l'adhésion totale à une personne appelée Jésus-Christ. Le vrai chrétien est celui qui essaie d'imiter le Christ dans sa vie quotidienne, sans renier ses racines et les valeurs qui le caractérisent en tant qu'Africain.

Aujourd'hui, il est donc nécessaire de donner aux jeunes Africains une éducation qui
soit réellement telle, en tenant compte de leur culture et des valeurs qu'elle présente.
Ainsi, ils pourront devenir de vrais chrétiens, tant sur le plan humain que spirituel et
professionnel, et pourront ainsi servir Dieu efficacement et faire la différence dans
leur vie hommes sur le continent africain. Ils doivent être formés de manière intégrale
afin de ne pas rester en marge des changements modernes et de l'Église, mais d'en
faire partie intégrante ; une formation capable de développer chez les jeunes une
intelligence analytique, critique et synthétique, ainsi qu'une grande capacité de
réflexion sur les diverses situations de la vie.

L'Afrique doit éduquer de jeunes capables de faire des choix radicaux pour le
Christ et pour la dignité de la personne humaine; elle a besoin de jeunes combattants
qui ont le courage de dénoncer et de dire non aux antivaleurs qui ruinent le continent,
qui humilient les femmes, appauvrissent le sens et la valeur de la culture africaine,
qui poussent les gens à quitter leur pays d'origine à cause de l'instabilité politique, de
la guerre, de la domination des multinationales sur les richesses du continent, et qui
entraînent la destruction du tissu familial, l'insécurité et le désespoir. L'évangélisation
doit avant tout éduquer les jeunes Africains à devenir des acteurs d'un ordre
économique et législatif d'épanouissement humain intégral, d'accueil de la vie
nouvelle, de présence aux pauvres et aux personnes.


Quelle structure d’esprit voulons-nous forger dans nos sociétés africaines
d’aujourd’hui? Quelle intelligence individuelle et collective voulons-nous développer
et épanouir face aux grands problèmes de nos sociétés africaines? De quelles
stratégies disposons-nous? Avec quels programmes et pour quel but? Telles sont
quelques questions qui doivent être au cœur de notre combat pour une éducation au
service du développement intégral de l’humain et des sociétés africaines.

La sœur Rita Mboshu Kongo est membre de la Congrégation des filles de
Marie Corrédemptrice. Elle a étudié la théologie à l’Institut théologique saint
Thomas d’Aquin de Messine, agrégé à l’Université Pontificale Salésienne et la
Faculté Pontificale Théologique Teresianum. Elle est Docteur en Théologie
Spirituelle et enseigne la théologie spirituelle et la formation à la vie consacrée à
l’Université Pontificale Urbanienne.